Jeudi 3 juin
Après un check météo, qui
nous prévoit peu de vent pour les 5 prochains
jours, nous larguons les amarres pour l'autre
côté.
A bord de Glazik Ronan, Béa, Corentin
et Alix, ainsi que Gillou qui nous a rejoint pour
cette traversée.

Le premier soir, nous savourons nos derniers
moments de chaleur avant la Méditerranée
et nous réjouissons de pouvoir dîner
dehors au soleil couchant, privilège de
ces latitudes nord.
6 jours passent ainsi avec juste assez de vent,
un bateau plat sur l'eau et une ambiance sereine
à bord : les activités oscillent
entre l'aquarelle (même Gilles s'y est mis),
le montage de vidéos pour le capitaine,
la lecture, la préparation de rappalas
et -cela nous aurait manqué- le désamorçage
d'un superbe cocotier :
Glazik est le spécialiste du genre et
Ronan ne met pas plus d'une demi-heure à
le défaire, en vrai professionnel qu'il
est devenu.
Nous croisons par 3000 mètres de fond
des bouées roses, nous demandons ce que
c'est : un trésor? De la drogue? Le mystère
restera entier...
Le 4° jour
Le vent revient, annoncé par notre super
routeur Guy.
Glazik file (enfin!) à 8 noeuds sous génois
tangonné, on se croirait en transat aller
!
Gilles persévère dans ses montages
complexes de rappalas mais malgré tous
ses efforts, pas un poisson au bout de la ligne
Sa réputation en prend un coup..
5° jour
Nous croisons successivement deux voiliers partis
quelques heures avant nous des Bermudes et discutons
avec un énorme cargo qui arrive dans l'autre
sens à grande vitesse : il est à
22 noeuds et Glazik à 8.
Il nous explique qu'il consomme en temps normal
140 tonnes de fuel/jour et en ce moment, 25 tonnes/jour
de plus parce qu'il a le vent de face.
Nous le faisons bien rire avec nos 200 litres
de gas-oil, qui ne dureraient pas plus de quelques
minutes à son bord...
Le grand bleu des premiers jours fait place à
la grisaille, le thermomètre du bord indique
une eau à 21 degrés (contre 25 aux
Bermudes) et nous nous demandons si ce n'est pas
la raison de notre pêche infructueuse..
On se console : ni Zed, ni Kadavu, ni Tomadji,
partis avant nous et que nous avons tous les jours
au téléphone ou par SMS iridium,
n'ont pêché.
Boîtes de thon et de sardines sont notre
quotidien proétinique!
Ce n'est en effet pas le maigre poisson volant
récupéré dans le cockpit
en plein dîner (énorme éclat
de rire une fois la surprise passée) qui
nourrira l'équipage.
Nous échangeons les maillots de bain contre
les polaires et les vestes de quart font leur
apparition la nuit.
6° jour
Du vent, du vent, un peu trop même. Les
25/35 noeuds annoncés sont en fait du 35/40
établis avec des rafales à 45, soit
un force 9 stabilisé.
Avec 3 ris dans la GV et le génois bien
enroulé, nous filons à 9/10 noeuds
et 12 dans les surfs, au grand largue.
Nous découvrons ce que c'est que la haute
mer formée :
des creux de 5/6 mètres, le mur derrière
le barreur.
Ronan et Gilles se relaient à la barre
toute la journée. Bottes et ciré
intégral obligatoires sur le pont.
Tout va bien à l’intérieur.
Nous venons de passer la ligne de la moitié
du voyage et avons sorti la bouteille de champagne
offerte par Anne en prévision de la mi-parcours.
Mais là il y a vraiment trop de vent et
finalement nous la conserverons pour l'arrivée.
21H : je prends mon quart, le vent a baissé
et oscille entre 27 et 35 noeuds avec des rafales
à 39.
Il fait nuit noire et il est vraiment difficile
de barrer, j'opte pour le pilote qui assure mieux
que moi, après accord du capitaine.
Minuit 30 : le pilote décroche. Pas le
temps de rectifier le tir, Glazik est parti au
lof quasi immédiatement, les barres de
flèches dans l'eau!
Je sens ma longe qui me tire dqns le bateau,
l'eau qui m'envahit, mon gilet se gonfle, je me
raccroche à un bastaque et glisse vers
le balcon arrière : OUF!
Cela ne dure que quelques secondes et Glazik revient
droit.
Ronan hurle "Béa, à la barre!",
je m'exécute, fort heureusement car le
pilote ne marche plus.
Rapide inventaire des dégâts sur
le pont : la capote est arrachée, le hâle-bas
de grand voile cassé, mais le mât
a tenu bon et notre super Glazik est quasi en
parfait état de marche.
Bien sûr c'est impressionnant : les drisses
et écoutes sont en vrac, à la dérive
derrière le bateau, la capote est par terre,
la bouée fer à cheval est partie
à l'eau mais pour le reste tout va bien.
A l'intérieur c'est un peu moins drôle
: toutes les équipées et coffres
bâbord on valsé sur tribord, le frigo
s'est déversé également,
il y a du verre cassé, de l'oeuf, de la
levure de boulanger, de la vinaigrette et des
graines de coriandre absolument partout, des coffres
et plafond.
Commence alors une vraie partie de plaisir :
Gilles à la barre sous génois seul

et Ronan et moi au nettoyage!
A 9 heures du matin nous finissons à peine
de dégrossir, l'intérieur commence
à ressembler à quelque chose.
Les enfants ont merveilleusement réagi;
ils ont parfaitement compris que nous n'étions
plus très disponibles et ont été
sages comme des amours jusqu'à l'arrivée
aux Açores.
Nous avons tiré de l'incident une solidarité
encore plus forte entre nous et aussi une grande
admiration pour eux.
Les jours suivants
Les jours suivants sont de fait bien occupés
: Ronan bricole avec l'aide de Gilles, ils réparent
le pilote qui redevient totalement fiable, nous
pouvons reprendre les repqs ensemble c'est quand
même mieux.
Quand à moi, je passe 4 jours pleins à
vider un flacon entier de Monsieur Propre : Glazik
est enfin redevenu lui-même. Mais qui dit
qu'en transat on a le temps de s'ennuyer ?
Heureusement il fait frais mais beau et cela
sèche vite.
Le téléphone iridium a pris un coup,
nous avons heureusement pu prévenir, avant
l'action de la corrosion, qu'il risquait de ne
plus marcher, la terre ne s'inquiétera
pas car il se confirme que nous pouvons émettre
un appel mais notre correspondant ne nous entend
pas.
11° jour
Contact VHF avec le Figaro « Charente
Maritime », en convoyage après
la transat AG2R. Eux ont eu la même dépression
que nous et ont eu un incident similaire, également
sans conséquence grave : un quillard c'est
vraiment solide...
Le soir, nous avons la première île
des Açores,

Flores, en vue mais décidons de poursuivre
jusqu'à Faial (Horta) à 150 milles
au sud-est, car le mouillage de Flores n'est pas
abrité du vent de nord est et celui-ci
s'établit à 25 noeuds. On se serait
bien arrêtés mais..
Nous nous consolons en regardant, après
11 jours, les lumières de la terre et son
phare s'éloigner dans la nuit.
La dernière nuit se passe bien tout en
étant sportive : 20 à 25 noeuds
au petit largue, la personne de quart se prend
des paquets d'eau en l'absence de capote.
Et dire qu’on avait hésité
à en prendre une!
15H : nous sommes en vue de Faial,

entre rocaille et prairies verdoyantes, parsemées
de maisons blanches à toits rouges.
Nous nous sentons vraiment en Europe.
17H : nous sommes en approche du port, je tente
un coup de 77 sur la VHF : y a-t-il un bateau
connu dans les parages ?
Réponse immédiate de Kadavu, qui
nous annonce qu'il y a Imagine, Obélix,
C'est la Vie, Yagan, Audélie, Risorius,
que Zed et Mimosa arrivent demain.
Ils nous trouvent une place à couple d'Imagine;
le port est incroyablement bondé, nous
sommes à peu près le 800° bateau
à arriver cette saison, il paraît
qu'ils n'en ont jamais vu autant, la moyenne habituelle
étant de 1000 bateaux pour un an.
Nous sortons pour l'apéritif la superbe
bouteille de Moët et Chandon qui, c'est un
signe, a échappé à la casse
malgré un joli vol plané du frigo
vers la table du carré et partageons avec
Kadavu et Imagine la joie d'être arrivés
à bon port et de retrouver nos amis de
voyage.
Gilles nous invite ensuite au restaurant où
nous nous régalons du boeuf des Açores,
suivi d'une première vraie nuit complète
: un pur délice! |